L’Espace Fabrique : un atelier pour concrétiser ses idées

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Nous sommes allés à la rencontre d’Emmanuelle Raynault, fondatrice de l’Espace Fabrique, pour en apprendre davantage sur la nature de cet endroit.

Le besoin : une question de ressources

Issue du milieu des arts visuels et robotisés, Emmanuelle est bien placée pour saisir l’ampleur du manque d’accès à des équipements industriels, un besoin qui fait partie intégrante de la réalité des communautés artistique et entrepreneuriale au pays. Pour les jeunes diplômés en arts visuels ou en génie qui quittent les bancs d’école avec toute la motivation et l’entrain qui vient avec l’entrée sur le marché professionnel, il est plus ardu que jamais de retrouver les équipements auxquels ils sont habitués d’avoir accès à l’école. Ils ont du temps, de la motivation et des idées à revendre, mais les ressources matérielles et financières manquent.

À l’Espace Fabrique, plus ou moins 500 000 $ en aménagement et 200 000 $ en équipement ont été investis pour offrir à la relève ce dont elle a besoin pour se lancer. Avec des formations et un service-conseil de la part de professionnels, de la main-d’œuvre disponible pour de la sous-traitance, 19 appareils industriels pour travailler le bois et le métal et 14 espaces de bureau à louer, l’objectif est de réduire les coûts de développement de pièces uniques. Ainsi, les entrepreneurs et artisans qui ont le potentiel de lancer des projets innovateurs peuvent y fabriquer les prototypes dont ils ont besoin pour obtenir du financement et organiser leur ligne de production. « Selon ses compétences techniques, une personne peut économiser jusqu’à 95 % des coûts de production si elle fabrique son prototype ici », explique Emmanuelle.

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L’espace ne sert pas juste aux entreprises : il y a aussi des particuliers qui en profitent. Emmanuelle nous donne l’exemple de Loïc, qui vient d’emménager dans un triplex dans le coin et qui a entrepris de tout rénover. Il vient régulièrement à l’atelier pour fabriquer les poutres et autres pièces dont il a besoin pour mettre son chez-lui à son goût! La fondatrice nous mentionne aussi que les formations qui sont offertes à l’atelier sont de parfaites occasions pour la transmission de connaissances de père en fils. « Après tout, presque 70 % des Montréalais habitent en logement. C’est certain qu’ils n’ont pas d’atelier chez eux », ajoute-t-elle.

Démocratiser le secteur manufacturier, un projet à la fois

C’est en rendant accessible ce type d’espace qu’Emmanuelle espère démocratiser le secteur manufacturier, particulièrement auprès des jeunes. Elle soutient que la grande majorité des travailleurs de 35 ans et moins ne sont pas intéressés par le secteur manufacturier; c’est un milieu plutôt figé dans le temps. Avec l’Espace Fabrique, elle s’efforce de moderniser ce domaine, notamment avec l’instauration d’une plateforme de gestion en ligne. Emmanuelle semble se rapprocher assez rapidement de son objectif, puisqu’à l’heure actuelle, sa clientèle est assez jeune. « Tous mes locataires ont moins de 35 ans! », nous confie-t-elle en souriant.

Les options alternatives en termes d’atelier viennent avec plusieurs désavantages : les coûts grimpent rapidement, les espaces sont difficilement accessibles par transport en commun et les délais sont interminables. Comme la plupart de ces ateliers sont aménagés pour la production à la chaine, il est très peu avantageux de faire affaire avec eux pour la fabrication de pièces uniques comme un prototype ou une œuvre d’art. Au contraire, l’Espace Fabrique d’Emmanuelle a été pensé expressément pour ce genre de clientèle.

Trouver le local idéal

C’est après trois ans de magasinage qu’Emmanuelle a finalement mis le doigt sur le local qui convenait parfaitement pour son projet. Un espace commercial à louer dans une ancienne usine de vinyle désormais toute rénovée. Ses critères :

1. Un zonage adéquat pour son type d’entreprise;
2. L’accès à un quai de chargement;
3. Une structure assez solide pour supporter le poids des machines (25 tonnes);
4. Des plafonds assez hauts (19 pieds) pour accueillir des projets de dimensions impressionnantes;
5. Et un emplacement pratique et facilement accessible par transport en commun.

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Mais au-delà des critères techniques, Emmanuelle était à la recherche d’un propriétaire qui croirait en son projet. « On est une nouvelle entreprise. C’est un nouveau projet. Alors c’est important que le propriétaire embarque. » De fait, Emmanuelle a travaillé de près avec l’équipe de Mondev avant de s’installer dans le local. Entre autres, elle a collaboré avec les architectes pour que les divisions de l’espace conviennent à ses besoins.

La rencontre des milieux des arts et des affaires

Pour nous aider à visualiser ce que son atelier permet de réaliser, Emmanuelle nous donne l’exemple du projet KM3 au Quartier des Spectacles. Il s’agit d’une exposition d’art public en plein air à Montréal, et deux des œuvres en vedette ont été fabriquées à l’Espace Fabrique. Un intérêt se fait également sentir de la part du milieu du cinéma et du théâtre, dont les décors sont souvent de dimensions impressionnantes.

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Parallèlement, plusieurs startups font appel aux services de l’atelier, qui offre un accompagnement jusqu’à l’atteinte d’un prototype fonctionnel et commercialisable. Autrement dit, Emmanuelle agit à titre de mentore en aidant les entrepreneurs à développer leur processus de fabrication et à obtenir du financement. Elle résume son rôle par la question « As-tu pensé à ça? », une question qu’elle ne cesse de leur poser jusqu’à ce qu’elle soit convaincue qu’ils ont pensé à tout et qu’ils sont prêts à se lancer. « Après ça, c’est le temps de les envoyer en usine. »

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Quand on lui a demandé de décrire l’Espace Fabrique en 5 mots, Emmanuelle nous a répondu : « Accessibilité, entraide, communauté, industriel et fun (rires). Si je veux démocratiser le secteur, ça prend une bonne atmosphère. Ici, on est capable d’offrir quelque chose de professionnel, mais aussi d’agréable ». On la croit sur parole, parce qu’une simple visite de l’atelier nous a permis de constater l’ambiance amicale qui règne et le dévouement d’Emmanuelle. La preuve : elle connaît ses membres par leur prénom!

Son objectif est d’ouvrir d’autres succursales comme l’Espace Fabrique à travers le Québec. C’est un modèle d’affaires qui fonctionne déjà bien chez nos voisins du Sud tandis que notre province, semble-t-il, accuse un certain retard dans le domaine. Comme Emmanuelle le dit si bien : « C’est beau vouloir rattraper notre retard au Québec, mais il faut surtout commencer par motiver les jeunes à s’investir dans le secteur manufacturier et les accompagner dans leurs projets ». Elle est plutôt bien partie, selon nous!